Coordinatrice du Centre d’Assistance Médicale à la Procréation au sein de l’Hôpital Bichat Claude-Bernard, à Paris, Dr Sylvie Epelboin est une figure de la gynécologie-obstétrique. Dans le cadre du magazine de l’APPA, nous avions eu la chance de retracer, avec elle, son parcours, qui est aussi une leçon de vie et un modèle de carrière hospitalière…
Dans la famille de la médecine de la reproduction et de la fertilité, Sylvie Epelboin a dessiné sa carrière comme une sorte de carte-profil qui pourrait se résumer avec un seul adjectif : passionnée. « C’est une discipline à la croisée de la pratique et de la vie, dont les leviers relèvent autant du conte pour enfants (« ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants ») que d’une citation de Paul Eluard : le dur désir de durer. Elle mobilise à la fois la psychologie – en rentrant dans l’intimité des patient.e.s, le raisonnement intellectuel, les avancées et les perspectives scientifiques, la micro-chirurgie et la pratique obstétricale… »
Dr Sylvie Epelboin
Après ses études de médecine et son internat à Paris, Sylvie Epelboin devient gynécologue-obstétricienne et exerce, pendant plus de vingt-cinq ans, à l’hôpital Saint-Vincent de Paul. Elle y co-impulse rapidement l’ouverture d’un centre de Fécondation In Vitro (FIV) peu de temps après la naissance du premier « bébé FIV » français et participe, dans la décennie suivante, au développement des techniques de procréation assistée. En parallèle de sa carrière, la praticienne partage également la passion du voyage avec son mari, également médecin. Ses nombreux séjours en Afrique de l’Ouest, en particulier, lui permettent d’appréhender l’importance des traditions culturelles dans la fertilité et la mise au monde. « Cela a vraiment fait partie de mon parcours de formation et de la manière dont je reçois aujourd’hui les patient.e.s. Par exemple, pour combattre et expliquer l’excision, il m’a été utile de voir les célébrations pratiquées au Sénégal, auprès des femmes peules : de véritables cérémonies festives qui représentent aussi le passage à la vie adulte. On est vraiment à la croisée de la médecine et de l’anthropologie… » D’ailleurs, son mari, devenu chercheur pour le CNRS, en a fait son métier.
En plus de ses activités hospitalières et de ses expériences à l’étranger, Sylvie Epelboin se forme également à l’éthique médiale à travers un DEA, obtenu en 1990, dans un contexte où ces questions, complexes, arrivent sur le devant de la scène. « Nous sommes dans les années quatre-vingt-dix. Robert Badinter suscite en 1984 un premier colloque sur le droit et la génétique, appliquée à la procréation, qui a constitué une sorte de préfiguration vers la première loi de bioéthique (1994), en soulevant des allers-retours permanents, entre la médecine et l’éthique, sur la place de l’enfant ou la création de nouvelles formes de parenté. »
En 2010, avec la programmation de la fermeture de Saint-Vincent de Paul, la gynécologue rejoint l’hôpital Bichat-Claude Bernard, en tant que coordinatrice du Centre d’Assistance Médicale à la procréation (AMP). Elle retrouve une population qu’elle connaît bien avec de nombreuses patientes d’origine africaine qui la ramène à ses souvenirs et à l’enjeu du dialogue, du « terrain de communication », au-delà des différences culturelles. « Nous sommes d’abord un des rares centres qui accueillent des personnes à risque viral, ce qui implique une prise en charge médicale globale. De façon générale, il y a une dimension pédagogique très forte consistant en premier lieu à faire réaliser aux patient.e.s et aux soignants qu’on ne peut pas tout connaître de leur culture, mais qu’il faut apprendre à écouter ce que dit la personne en face… Notre rôle est de transmettre la vérité biologique ou l’explication médicale, quelles que soient les origines ou les croyances. » Le Centre est composé d’une dizaine de praticiens (biologistes, cliniciens, sage- femmes, internes, etc.) dont une partie a été réquisitionnée lors du « tsunami » engendré par la crise sanitaire. Le service s’est organisé afin de trouver des solutions pour les processus en cours et préparer la reprise avec des recommandations strictes sur les profils à risques et les publics prioritaires.
Le quotidien médical de Sylvie Epelboin ne ressemble pas à un conte pour enfants mais son itinéraire tient bel et bien de la belle histoire passionnée qu’elle évoque notamment dans un livre co-écrit, en 2019, avec la journaliste Elise Karlin qui a été sa patiente : J’ai longtemps cru qu’il suffisait d’être deux. « Je crois que j’appartiens à une génération très choyée qui a eu l’opportunité de faire mille choses pour se sentir utile », notamment trois enfants et une brillante carrière résolument imbriquée avec sa vie personnelle.
« Les conflits interpersonnels à l’hôpital sont une composante majeure de la souffrance au travail »
Pharmacien hospitalier retraité, administrateur de l’APPA, le Dr. Jacques Trévidic s’est toujours engagé sur le sujet de la souffrance au travail et des conflits à l’hôpital.
En 2020, à la tête d’un groupe de travail dédié, il rédige un rapport sur la conciliation, pour le compte du Ministère de la Santé et de la Médiation Nationale. Ses propositions ont inspiré le nouveau cadre en vigueur autour de 3 objectifs-clés : structurer, signaler et former.
Depuis quand vous intéressez-vous au sujet des conflits à l’hôpital ?
C’est une longue histoire… En parallèle de mon activité de pharmacien hospitalier, en Bretagne, j’ai toujours eu diverses activités para-professionnelles, notamment syndicales, qui m’ont permis de m’intéresser, de près, aux conditions de travail et aux situations de souffrance des personnels hospitaliers. J’ai notamment participé à l’administration de l’OSAT (Observatoire de la Souffrance Au Travail) avec le Dr. Max-André Doppia, qui était une émanation du syndicat APH et permettait aux praticiens de déclarer leurs difficultés. Nous avons constaté, à travers l’Observatoire, l’importance des conflits interpersonnels dans la souffrance au travail…
Pourquoi le milieu hospitalier est-il particulièrement sujet aux conflits ?
L’hôpital est d’abord une grande société humaine et, comme dans tout collectif, il existe des risques de conflits. Plus spécifiquement, l’hôpital est un milieu assez violent dans lequel on est confronté à la souffrance humaine, dans toutes ses dimensions, ce qui rejaillit forcément sur le ressenti des soignants. Enfin, c’est un environnement très organisé, basé sur le travail en équipe, où la notion de « management humain » est fondamentale, mais complètement absente de la formation initiale. Par exemple, les étudiants en médecine vont devoir travailler en équipe, au moins à l’internat, mais on ne leur donne pas les bases pour cela ! Il y a un certain nombre de règles d’usage qu’il faut expliquer pour qu’elles soient intégrées, cela va du « bonjour » le matin au positionnement par rapport à la hiérarchie, pour savoir ce qu’on peut ou ce qu’on ne doit pas accepter…
Comment étaient réglés « traditionnellement » les conflits à l’hôpital ?
C’était assez anarchique, même s’il y avait des solutions auprès des syndicats ou des Commissions Médicales d’Établissements. Mais ce n’était pas systématisé, principalement par manque de temps ou de compétences nécessaires. D’après les enquêtes qui ont été faites, on a pu mesurer que la gestion des conflits, mineures ou majeures, peut prendre beaucoup de temps et que les gens ne sont pas suffisamment formés, de façon structurelle, pour repérer les situations problématiques, les signaler puis trouver des solutions pour les résoudre et assurer un suivi. Il a fallu des drames, très médiatisés, pour faire bouger les lignes, en particulier le suicide du Pr Jean-Louis Mégnien, à l’hôpital Georges-Pompidou, en 2015. D’autres ont malheureusement suivi, dans d’autres établissements, ce qui a fait que tous les acteurs (institutions, syndicats, conférences de directeurs, etc.) se sont mobilisés conjointement pour s’emparer du problème.
En quoi a consisté votre « Mission Conciliation » ?
En 2019, le Gouvernement a mis en place, par décret, un dispositif de médiation, au niveau national et régional, pour aider à résoudre les conflits dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux publics. Présidée initialement par Edouard Couty, cette démarche est intéressante, mais elle fait sortir le conflit de l’établissement concerné et elle est exercée, par définition, par des personnes complètement extérieures, ce qui n’est pas toujours évident lorsque le problème est justement lié à l’organisation interne (management, RH). Il manquait une sorte de « brique » pour la rendre réellement efficace, ce que prévoyait d’ailleurs le texte initial en stipulant que le recours à la médiation ne devait se faire qu’à l’issue d’une tentative de conciliation interne à l’établissement. La conciliation est ainsi une première étape nécessaire, mais elle n’était pas du tout structurée à l’échelle des hôpitaux. C’est l’objet de la mission que j’ai proposé au Ministère de la Santé, par l’intermédiaire de la Médiation Nationale, pour auditer l’existant et faire des propositions concrètes, à travers un groupe de travail collégial et la rédaction d’un rapport.
Comment cela s’est-t-il matérialisé ?
On a démarré en 2021, en pleine crise sanitaire. Sur le papier, ce n’était pas la période idéale mais, dans les faits, ça s’est très bien passé, peut-être parce que les réunions en visioconférence ont permis d’aller plus vite que l’organisation de rencontres physiques. Le groupe de travail était composé d’une douzaine de personnes, représentant les institutions et le milieu hospitalier. On se retrouvait chaque mardi, ce qui a permis de ritualiser les choses, dans cette période curieuse, et de donner une sorte de rythme. Nous avons mis en œuvre plusieurs outils pour identifier ce qui existait, sur le terrain, en matière de gestion des conflits : une enquête, envoyée à tous les hôpitaux, pour laquelle nous avons obtenu plus de 200 réponses et une série d’auditions plus approfondies auprès de 13 établissements sur l’ensemble du territoire. On a rapidement pu constater que les structures existantes, limitées à quelques CHU, ne concernaient pas les personnels non médicaux et que la plupart des établissements n’avaient pas encore d’outils adaptés.
Quels ont été les résultats de cette « Mission » ?
A l’issue des groupes de travail, j’ai rédigé un rapport qui contient 11 propositions concrètes à travers deux grands axes : un modèle d’organisation des démarches conciliation dans les hôpitaux, basé sur les Commissions Médicales d’Établissement (CME) et les Comités Sociaux d’Établissement (CSE) pour les personnels non-médicaux ; la formation des personnels, existants et futurs, à tous les niveaux. Les deux objectifs vont de pair, en réalité : il faut à la fois former les professionnels au management et structurer les organisations, en parallèle, pour pouvoir anticiper et répondre à toutes les situations. Même si on est un très bon manager, on peut parfois être débordé par une situation conflictuelle, ce qui nécessite parfois de se projeter dans un autre cadre que celui de l’équipe. J’ai ainsi proposé cette structuration, qui se matérialise par une sorte de commission dédiée intégrant des membres du personnel spécifiquement formés aux techniques de conciliation.
Parmi les propositions, certaines concernent également l’enjeu du signalement. Je pense qu’il faut mettre en place un dispositif de signalement sur le modèle de la déclaration des événements indésirables à l’hôpital. Il est déterminant qu’on puisse signaler les situations de souffrance et identifier celles qui peuvent faire l’objet d’un dispositif de conciliation au sein de l’établissement, car les causes sont souvent complexes et plurielles. La conciliation doit pouvoir aider à solutionner des conflits interpersonnels, mais pas des problèmes de santé mentale qui relèvent théoriquement de la médecine du travail ou des situations de harcèlement qui doivent être appréhendées par le canal judiciaire. Là aussi, il y a un enjeu de formation car il faut pouvoir flécher à travers des personnes qui ont un peu d’expérience sur ces sujets.
Comment cette démarche va-t-elle évoluer ?
Les propositions du rapport ont donné lieu à une circulaire et un nouveau groupe a été constitué pour la mise en œuvre de la démarche, sous la responsabilité de la Médiation Nationale et de sa présidente actuelle, Danielle Toupillier. Nous travaillons sur plusieurs sujets, en particulier sur une campagne de communication, auprès des établissements, pour les inciter à mettre en place les structures, les compétences et les formations nécessaires. Plusieurs actions concrètes sont également prévues, comme un atelier lors de la prochaine édition du Salon SantExpo de la Fédération Hospitalière de France. Il y a beaucoup à faire mais tout est relativement très nouveau : les choses vont mettre un peu de temps à se mettre en place, mais elles avancent ! Nous allons également faire des états des lieux réguliers, qui seront aussi renforcés par l’implication des médiateurs régionaux au sein des structures de conciliation à l’hôpital ; cela permettra notamment de faire des bilans annuels et locaux, ainsi que des plans d’actions adaptés aux besoins et aux situations de chacun.
« On a été le premier service de réanimation en France à accueillir des clowns… »
(Interview réalisée dans le magazine des 40 ans de l’APPA, publiée en janvier 2021)
Ancien chef de service en réanimation pédiatrique à l’hôpital Necker – Enfants malades, Dr. Philippe Hubert, aujourd’hui retraité, préside l’association Le Rire médecin qui a fêté ses 30 ans en 2021. Il a traversé l’Atlantique en 14 jours sur le voilier « Lamotte / Module Création » skippé par Luke Berry. Itinéraire d’un médecin engagé…
Comment avez-vous découvert les clowns à l’hôpital ?
La réanimation, ça paraît assez loin des clowns mais, pendant ma carrière, j’ai eu la chance d’avoir un chef de service qui s’intéressait beaucoup à la dimension psychologique et relationnelle des soins, vécue par les enfants et par leur entourage. Pendant de nombreuses années, par exemple, un psychiatre pédiatrique est intervenu dans le service. De nombreuses choses ont été lancées à son initiative – et avec la demande soutenue d’une infirmière, afin de développer une approche médicale aussi large que possible, pas seulement technicienne mais aussi familiale. Là-dessus s’est greffée, à l’époque, une demande de Caroline Simonds, la fondatrice du Rire médecin, qui nous a proposé de faire intervenir les clowns. Ils étaient déjà présents en immuno-hématologie, un service ultra-spécialisé avec des enfants originaires de toute la France dont certains, hélas, atterrissaient en réanimation. Ils connaissaient donc bien les clowns, en raison de leur situation d’hospitalisation de longue durée, c’est pourquoi Caroline nous a proposé de prolonger les visites dans notre service. Je vous avoue, au départ, que j’avais quelques réserves car je connaissais mal leur travail et je ne voyais pas très bien comment cela pouvait fonctionner en réa. Nous avons finalement accepté et, très rapidement, tous les doutes ont été levés grâce à un fonctionnement efficace et des résultats très positifs ! On a été le premier service de réanimation en France à accueillir les clowns. Depuis, plein d’autres ont suivi…
Quels sont ces « résultats » ?
Pour les enfants malades, c’est un plus, indéniable, qui est lié à la régularité des visites (jusqu’à deux fois par semaine) et à l’importance du rire, des bulles d’évasion, dans les moments difficiles. Plus largement, les clowns forment aussi un outil de médiation avec les frères et sœurs, les parents, les équipes soignantes (infirmiers, médecins, etc.). D’ailleurs, comme souvent en réanimation, nous avons développé des relations humaines très fortes, parfois amicales, avec ces artistes professionnels, même au-delà du cadre de l’hôpital.
Pourquoi vous êtes-vous engagé dans l’association ?
Caroline Simonds m’avait sollicité, à plusieurs reprises, pour participer à des réunions, réfléchir à la formation des clowns, etc. Un jour, elle m’a contacté pour me proposer de prendre la succession d’un confrère, qui était également réanimateur pédiatrique mais ne pouvait plus assumer la présidence. J’ai un peu réfléchi et accepté la mission avec beaucoup de plaisir. Je suis donc arrivé dans l’association, en mars 2017, en tant que président, sans la connaître véritablement de l’intérieur. Les premiers mois ont été un peu compliqués car la situation n’était pas très favorable, mais nous avons beaucoup travaillé pour résoudre les difficultés. On a pu faire des recrutements et mettre l’accent sur la gestion administrative et financière. C’est fondamental quand on manipule des sommes d’argent importantes, issues de dons, et que l’on travaille avec des artistes.
Comment l’association a-t-elle fonctionné durant la crise sanitaire ?
2020 a été une année assez particulière, comme vous pouvez l’imaginer, car nous venions justement de finaliser notre plan stratégique pour développer l’association et intervenir sur de nouveaux territoires. Il y a beaucoup d’autres clowns intervenant dans les hôpitaux ; l’objectif n’est évidemment pas de s’additionner aux activités en place, mais de remplir les espaces vides. Pendant le confinement, les comédiens-clowns étaient éloignés des enfants pour des raisons sanitaires, mais on a réussi à organiser un relais vidéo, qui a finalement très bien fonctionné. Nous avons également profité de cette période pour préparer le 30e anniversaire de l’association, en 2021, afin de communiquer sur notre projet et nos actions, notamment en direction des médias.
L’association Éclats de l’île propose des interventions de « clowns hospitaliers » dans les services pédiatriquesdu CHU de l’île de La Réunion.
Les clowns sont tous des comédiens professionnels sélectionnés par l’association et bénéficiant de formations spécifiques pour intervenir à l’hôpital. Toujours en duo, ils cherchent par leurs interventions dans les services, à redonner aux jeunes patients leur place d’enfant en permettant l’accès au jeu et au rêve. Ils interviennent à raison de deux journées par semaine sur chaque site du CHU de La Réunion. Les clowns interviennent toujours en étroite collaboration avec le personnel soignant et adaptent leurs interventions aux réalités des patients et de leurs proches. Les clowns sont soumis au secret professionnel et peuvent ainsi bénéficier d’informations lors des transmissions pour être au plus juste de chaque situation. Ils peuvent également être sollicités pour accompagner les actes de soins potentiellement douloureux avec l’accord de l’enfant et de ses parents. Depuis sa création Éclats de l’île a pu visiter plus de7 000 enfants hospitalisés. Afin de mieux cerner et comprendre leurs actions nous avons pu rencontrer l’un des clowns hospitaliers de l’association et nous lui laissons la parole.
Rencontre avec Pernette, Artiste, Clown Hospitalier à Éclats de l’île
Bonjour, alors tout d’abord comment voulez-vous que je vous appelle ? Zaza, Pernette ou bien Isabelle ?
Zaza c’est mon nom de comédienne, Pernette c’est mon nom de clown hospitalier et sinon je suis Isabelle dans la vraie vie. Disons que pour aujourd’hui c’est un peu les trois que vous rencontrez …
Comment vous êtes-vous retrouvé à faire le clown à l’hôpital ?
Au départ je suis d’abord Infirmière DE. J’ai fait cela car à l’époque, mes parents ne voulaient pas que je devienne comédienne. Du coup, dans les années 1990 j’ai suivi leurs conseils et suis devenu IDE. Selon mes parents, comédien ce n’était pas un métier pour en vivre, alors j’ai travaillé une petite dizaine d’année comme infirmière. Durant les années 2000, à la Réunion, j’ai rencontré la ligue d’improvisation réunionnaise et j’ai recommencé à reprendre goût au théâtre. Finalement, j’ai fini par abandonner la blouse car le théâtre était vraiment ma vocation. En 2012 l’association Éclats de l’île a organisé des auditions et j’ai été recrutée à ce moment-là. Depuis, je retourne à l’hôpital mais sans blouse et avec le sourire et le nez rouge.
C’est quoi une journée type d’un clown à l’hôpital ?
Une journée à l’hôpital, nous démarrons vers 9 h par un tour du service en civil. Nous faisons des transmissions succinctes avec l’équipe médicale. Ces transmissions nous renseignent surtout sur l’état de santé des enfants, sur son état du jour, sur les précautions particulières d’hygiène à respecter. Nous cherchons également à avoir des informations de contexte sur la famille puisque nous intervenons également auprès des accompagnants.
Ensuite nous nous habillons en clown et nous faisons ce que nous appelons la parade. Nous défilons, toujours en duo, dans le couloir du service, avant de rentrer dans toutes les chambres où nous sommes autorisés à intervenir. Dans la chambre nous nous adaptons à chaque situation, nous pouvons commencer par un petit tour de magie, une petite chanson ou encore raconter une petite histoire. Nous faisons souvent des cabrioles et des âneries pour faire rire les enfants.
Nous pouvons effectuer plusieurs services le matin. Le midi, en civil nous prenons notre pause déjeuner puis nous revenons l’après-midi dans d’autres services de pédiatrie. On refait la parade puis, de chambre en chambre et tranquillement, notre journée se termine vers 16 h.
Comment se passent vos interventions avec les soignants ? Comment êtes-vous accueillis par les médecins et les équipes ?
En général c’est super. Nous sommes très bien reçus. Les soignants nous attendent souvent. Ils sont ravis de nous voir car les jours où nous sommes là, le service est plus détendu. Ils savent qu’il va y avoir de la musique, qu’ils vont pouvoir se détendre un peu. Parfois ils dansent un peu avec nous dans les couloirs. Toutefois nous sommes très attentifs, nous veillons à ne pas déranger les actions de soin, on se cale pour ne pas déranger la visite par exemple. On s’adapte tout simplement.
Vous intervenez dans quels services ?
Nous n’intervenons que dans les services de pédiatrie du CHU. Dans les services des petits mais aussi des grands. En oncologie pédiatrique, en HDJ pédiatrique, les urgences pédiatriques, la chirurgie pédiatrique mais aussi la dialyse pédiatrique à Saint-Denis, à Saint-Pierre nous allons chez les grands, les petits, la réa pédiatrique, les urgences, le service de mucoviscidose, l’HDJ et la chirurgie pédiatrique, le SSR aussi, voilà je crois que je n’ai rien oublié. Nous n’intervenons que sur le CHU et avec des jours fixes pour chaque site. Nous sommes 10 clowns hospitaliers dans l’association et nous intervenons toujours en duo. Nous organisons nos plannings à l’avance pour que nos interventions soient programmées dans les services.
Avez-vous une formation spécifique pour assurer votre mission de clown hospitalier ?
Nous sommes tous des artistes accomplis et des professionnels. Nous savons faire de la musique, jouer la comédie, certains d’entre nous sont plus magiciens ou jongleurs. Nous avons tous une formation initiale qui est assurée par le Rire Médecin qui vient régulièrement faire cette formation spécifique de clown hospitalier à La Réunion. Nous apprenons notamment comment se comporter en clown à l’hôpital. Nous avons une formation continue tout au long de l’année avec les services hospitaliers pour avoir des connaissances plus « médicales », par exemple nous avons pu avoir une formation autour de la douleur chez l’enfant ou autour des différents cancers chez l’enfant. Nous avons aussi eu une formation sur la dialyse et bien-sûr la première chose que nous apprenons ce sont les règles d’hygiènes à respecter dans un service pédiatrique. Nous sommes par exemple très informés sur les modes de contagions et les règles à respecter pour les limiter. Nous savons quel type de surblouse il faut mettre et quel type de masque il faut porter dans les différents lieux où nous intervenons. Bon c’est sûr que maintenant le masque on ne se pose plus la question et on le porte tout le temps.
Pouvez-vous partager une petite anecdote qui vous a marquée dans vos interventions
Il y en a plein, mais là tout de suite ce qui me revient c’est une rencontre en chirurgie infantile.
Durant les transmissions on nous avait dit que c’était un petit bébé de 6 mois et qu’il était avec sa maman qui était stressée, triste et pas contente d’être là car l’hospitalisation était plus longue et grave que prévue. Lorsque nous sommes rentrés dans la chambre le bébé est dans son lit avec maman à côté, avec un visage fermé. Nous avons commencé à chanter une petite berceuse de notre répertoire et l’enfant a levé les yeux vers nous et avec notre ukulélé, tout de suite, il a souri. Nous avons senti que la musique lui faisait du bien. Tout le temps où nous sommes restés avec lui et sa maman, il avait un énorme sourire. Il était vraiment séduit par le son du ukulélé et la maman le regardait tout sourire. Puis au bout d’un moment elle a commencé à nous regarder aussi en souriant et on a senti que cela lui faisait du bien de voir son enfant sourire.
Voilà ce sont ce genre de petits moments un peu magiques qui sont importants pour nous et qui nous permettent de garder notre motivation. Ce que nous faisons, cela reste d’abord des moments d’humanité au-delà de moments de détente dans des instants qui sont souvent stressants pour les enfants et les parents. C’est beau de voir que pouvons apporter des vibrations plus positives.
Merci Pernette et nous vous souhaitons bon courage dans la poursuite de vos actions pour les enfants. Bonne journée et pouêt-pouêt…
L’APPA est fière de soutenir et de vous présenter l’association Eclats de l’île
En 2003, Anne Tixier a eu l’idée de mettre en place, à la Réunion, une association de clowns à l’hôpital.
En collaboration avec le docteur Yves Réguerre, directeur du service d’oncologie pédiatrique de l’Hôpital universitaire Félix Guyon de Bellepierre, ils fondent l’association Éclats de l’île.
Anne TIXIER mise sur l’expérience et le professionnalisme du Rire Médecin pour bâtir l’association mais aussi pour recruter et former les premiers comédiens clowns de La Réunion.
En 2005, débutent les premières journées des clowns, aujourd’hui, l’association continue son ascension en recrutant de nouveaux comédiens et en multipliant les apparitions.
Tous les clowns d’Éclats de l’île sont des acteurs professionnels, des artistes issus de l’univers du cirque, du théâtre ou de la musique.
Le but de l’association est de dédramatiser l’hospitalisation, de permettre aux enfants de 0 à 18 ans et à leurs proches de retrouver le sourire.
Pour les enfants : Recréer à l’hôpital une parenthèse, où la joie, le jeu, la musique, l’imaginaire et la poésie peuvent prendre leur place et améliorer le vécu des soins et de l’hôpital. Le maintien d’un univers imaginaire et le jeu aident l’enfant à développer des ressources nouvelles et des mécanismes de résilience pour faire face à l’hospitalisation : gestion de la douleur, détresse émotionnelle, solitude.
Pour les parents :Permettre de s’évader, de faire une pause, mais aussi d’avoir de l’énergie pourmieux vivre la maladie de son enfant.
Pour les soignants : Soutenir le personnel soignant en lui offrant des moments ludiques et joyeux dans un cadre professionnel plus agréable.
Il s’agit également d’une collaboration entre clowns et soignants, les clowns peuvent être en mesure de fournir des informations complémentaires, non médicales qui sont parfois utiles pour le suivi des enfants hospitalisés.
De nouveaux projets sont attendus en 2023, notamment « l’école solidaire » qui a pour but de développer et faciliter, avec les inspecteurs académiques, les équipes enseignantes, les principaux et proviseurs, l’émergence de projets solidaires pour l’association et qui permettront la sensibilisation des enfants.
« Réuni’tour II » : Des circuits à parcourir à vélos qui permettrons de récolter des fonds. La première session du « Réuni’tour » avait permis le financement de 2 simulateurs d’IRM ainsi que 80 interventions des comédiens-clowns.
Des projets qui nous tiennent à cœur et que nous aurons l’occasion de vous faire partager.
Docteur en médecine et figure de l’alpinisme, Christine Janin a déjà connu plusieurs vies au sommet, avant d’en combiner les meilleurs extraits dans un projet d’accompagnement ambitieux au service des enfants et des femmes atteintes de cancers. Elle nous a ouvert les portes de sa fameuse Maison, à Chamonix, une sorte de refuge tout terrain pour permettre à chacun, chacune d’atteindre également son Everest…
A coup sûr, le surplace n’est pas tasse de thé de Christine Janin, qui fait plutôt effet de boisson énergisante (évidemment non sucrée !), tant elle nous paraît toujours en mouvement, à la fois pressée de la suite et capable de prendre son temps pour nous raconter son histoire. Cette sportive insatiable, dès le plus jeune âge, a longtemps hésité entre l’éducation physique et la médecine, tout en se laissant porter par la vie, les rencontres, les défis avec ses « potes » qui se déroulent sur les rochers de Fontainebleau, en raids à ski ou dans la traversée de la Manche, en bateau, à seulement 17 ans !
« À 10 ans déjà, je voulais soigner. Ma mère m’a finalement suggéré de faire médecine et elle a eu raison, car cela m’a ouvert de nouveaux horizons en lien avec ma passion. A 24 ans, alors que j’étais en 6ème année et que je m’orientais vers l’anesthésie-réanimation, on m’a proposé de partir comme médecin d’une expédition, suite au désistement d’un copain. Je n’ai même pas réfléchi : j’ai dit oui ! ».
La jeune femme, qui n’avait « même pas fait le Mont-Blanc », s’aventure ainsi dans l’ascension du 13ème sommet du monde, à 8 035 mètres, au Pakistan. C’est le début d’une grande course de fonds qui l’emmène aux quatre coins du monde, à coups d’énergie et d’envies, la tête dans les nuages à plus de 8 000 mètres ou le corps sous un parapente lors du premier vol effectué depuis le Kilimandjaro. « Je pars toujours libre d’échouer », c’est peut-être ce qui fait qu’elle réussit ses exploits, comme lorsqu’elle devient la première femme française à atteindre le sommet de l’Everest, côté népalais, en 1990. « Le plus dur, avec le toit du monde, c’était sûrement d’en redescendre, de retourner dans une vie ordinaire car j’avais une autre frayeur : que faire après ? ».
Christine Janin pivote à nouveau, repart dans un grand voyage, celui des « Seven Summits », sorte de pont aérien entre chaque continent, tout en partageant ses expériences lors de ses retours en France. « Dans le cadre d’un partenariat avec la Ville de Paris, on m’a demandé d’aller voir les enfants dans des écoles et un jour, la directrice de l’enseignement à l’hôpital Trousseau, à Paris, m’a demandé d’intervenir auprès des enfants malades. Comme pour le reste, j’ai dit oui… ! J’étais contente car je retrouvais un peu l’univers de la médecine, tout en voyant un parallèle évident entre la montagne et la maladie » (l’annonce comme une avalanche, la guérison comme un sommet, les paliers nécessaires, etc.).
Après l’Aconcagua, en Argentine, l’alpiniste comprend qu’il est temps de s’arrêter et continue d’aller voir les enfants malades à Trousseau et à Saint-Louis, où elle fait la rencontre des Professeurs Schaison et Baruchel, qui lui lancent un nouveau défi : emmener des enfants à la montagne. Une nouvelle page commence à s’écrire avec des premières « expéditions » dans les Alpes. « J’ai très vite compris qu’il fallait un lieu pour poursuivre. A Chamonix, l’UCPA (Union nationale des Centres sportifs de Plein Air) quittait justement la belle maison de Joseph Vallot, une figure de la région. Avec le soutien du Maire de l’époque, Michel Charlet, nous avons pu l’avoir en location pour la rénover entièrement.».
À chacun son Everest accueille depuis 2001 des enfants malades, accompagnés par dessoignants bénévoles et les animateurs de l’association, pour des séjours d’une semaine. Ils effectuent des activités multiples sur un territoire résolument multi-support et dans une maison qu’ils ont pu avoir en bail, grâce au soutien du maire de l’époque, Michel Charlet. Cette maison -qui appartient désormais à l’association- dispose notamment d’une salle d’escalade indoor, d’un parcours aventure à l’extérieur et d’un espace de restauration collective, où tout est fait « maison » et se déguste juste face au Mont-Blanc ! « Les séjours sont entièrement pris en charge, jusqu’au transport, grâce à nos mécènes et un ensemble de partenaires très fidèles. Ça fait partie du projet. Nous fournissons également tous les équipements nécessaires, des chaussures aux vêtements de montagne », ajoute Christine Janin qui nous fait découvrir l’impressionnante réserve, parfaitement ordonnée dans le vaste sous-sol. En 28 ans de bons et loyaux services, à Chamonix et ailleurs, l’association a ainsi accueilli près de 5 000 enfants auxquels elle offre autant de petits Everest, à leur taille, couplés à de grands moments d’évasion. « Il y a souvent un avant et un après, comme les parents nous le disent. Notre objectif est de les sortir de l’image de l’enfant malade pour les rendre conquérants, leur redonner confiance et comprendre, grâce au collectif, qu’ils ne sont pas seuls dans cette épreuve. »
En 2011, l’association décide de faire évoluer le projet pour accueillir également des femmes en rémission d’un cancer du sein, à l’issue de leur traitement. « La rémission est une étape fondamentale pour la suite. Les cheveux ont repoussé, certains stigmates ont disparu, mais la maladie a laissé des traces d’autant plus profondes qu’elles ne se voient pas. Les patientes sont épuisées, voire carrément détruites, elles ont perdu la féminité, la sexualité, la confiance. Notre démarche est la même : leur offrir une semaine hors de leur quotidien et un accompagnement global, à tous les niveaux, pour rebondir et se projeter dans autre chose… »
La Maison s’est adaptée à ces nouvelles résidentes. Lors de leurs séjours, le petit salon se transforme spontanément en espace « cocooning » où chacune peut s’exprimer, partager ses expériences, passer du rire aux larmes, et des larmes aux rires. Un espace zen a également été aménagé, dotée de grandes baies vitrées qui se projettent sur les reliefs, pour proposer de nouvelles activités, comme le yoga, la méditation pleine conscience ou la sophrologie. Un soignant, parfois oncologue, généralement oncologue, est aussi présent sur place durant le séjour : « Quand elles apprennent leur maladie, elles sont tellement sous le choc et dans la peur qu’elles oublient de poser les questions qui les préoccupent. Il est là pour y répondre, dans le calme et dans un autre contexte que celui de l’hôpital ». D’autres professionnels de santé sont également mobilisés pour assurer un accompagnement psychologique qui se matérialise aussi, de façon collective, par la formation de groupes de paroles. « C’est une semaine chargée, et c’est notre objectif ! On les écoute, tout en nous adaptant évidemment au rythme et à l’état de santé de chacune. J’aime bien l’idée de les aider à (ré)apprendre à respirer, au sens propre comme au sens figuré. C’est aussi une extrapolation de mon expérience personnelle, lorsque j’avais un sommet en tête ou sous les yeux, mais que je m’arrêtais… tous les cinq pas ! C’est la même chose avec elles : c’est l’Everest qui compte, chacune à sa manière… ». La semaine se ponctue généralement par une soirée dansante, encore au service du corps et par la remise d’un diplôme, autant symbolique que nécessaire pour affirmer que les résidents, quels qu’ils soient, ont réussi leur défi.
Aujourd’hui, dans sa maison de Chamonix, l’association propose une trentaine de séjours chaque année, en alternant les groupes de 12 femmes, des stages avec 16 enfants et des semaines de pause. Christine Janin, qui assure elle-même la visite, dans les moindres recoins, a l’énergie du début et le mot de la fin : « De mon métier de médecin, j’ai un chemin de vie, une mission. Et de mon expérience d’alpiniste, j’ai un message que j’aime bien résumer avec ces mots : « gai-rire » et « quand-sert ». Le cancer ça vous tombe dessus, comme une avalanche, mais une fois qu’il est là, la question est de savoir comment j’avance et avec quel message : est-ce que j’ai peur de la vie ou est-ce je m’en sers pour la transformer ? »
Pour les soignants intéressés par le projet et par l’expérience, l’association recherche des bénévoles, tout au long de l’année, pour les séjours dédiés aux femmes et aux enfants malades (psychologues, infirmiers, internes, médecins et praticiens hospitaliers, notamment en pédiatrie ou cancérologie).
Catherine Cornibert et le Dr. Eric Henry font partis des fondateurs de l’association SPS (Soins aux Professionnels de la Santé) qui a vu le jour en 2015 et qui a pour mission d’accompagner tous les professionnels de la santé en souffrance et d’agir pour leur mieux-être.
Depuis 6 ans, Catherine Cornibert est notamment en charge des actions et de la communication de l’association. C’est en très grande partie grâce à elle que SPS a été reconnue d’intérêt public en 2019.
En 2020, l’arrivée du COVID propulse rapidement SPS comme une référence pour les professionnels de la santé et les institutionnels lui permettant ainsi l’année suivante d’être à l’initiative des projets « Soins aux Étudiants » et « Maisons des soignants ».
Face au mal-être de plus en plus croissant des professionnels de santé, SPS a lancé lors de la « rentrée 2022 » une campagne de prévention contre le suicide. Leur spot volontairement choquant pour alerter sur les dangers des risques psychosociaux est disponible depuis le 1er septembre sur ce lien.
L’APPA était présente lors de sa journée de lancement qui s’est déroulée le mardi 30 août à Paris à la Maison des soignants. Pour visualiser le programme, vous pouvez encore cliquer sur ce lien.
L’association en a profité pour réaliser une interview de Catherine Cornibert et du Dr. Eric Henry, tous deux à l’initiative du projet. Origine du projet, nécessité de réaliser une campagne coup de poing pour alerter sur les dangers psychologiques auxquels sont confrontés quotidiennement nos professionnels de santé ; ils nous disent tout !
Pour découvrir l’interview, rendez-vous sur ce lien.
L’association L’enfant à l’hôpital, partenaire de l’APPA depuis plusieurs années maintenant, offre aux enfants une méthode d’apprentissage innovante qui allie technologie et jeux.
Elle aide ainsi l’enfant malade, handicapé ou en décrochage scolaire à poursuivre sa vie scolaire. Elle l’aide aussi à maintenir sa vie affective, sociale et culturelle, grâce à l’usage du logiciel Kolibri, une plateforme numérique offrant aux enfants une méthode leur permettant d’apprendre à travers les aventures des voyageurs.
L’association a récemment interviewé le Dr Danièle Goumard, trésorière de l’APPA.
Médecin psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP), enseignant à Sorbonne-Université, Dr Jean-Victor Blanc décode les troubles psychiatriques à l’aide des références de la culture pop. Après un premier livre, Pop & Psy, en 2019, il vient de publier Addicts, qui a également pour ambition de faire évoluer le regard sur la santé mentale.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Dans le cadre des mes études de médecine, à Rennes, j’ai eu la chance de partir deux fois en Erasmus. Ces séjours correspondaient à ce que je recherchais, sur le plan de la curiosité, pour découvrir autre chose, en particulier dans l’approche de la pratique médicale. A l’origine, j’ai fait médecine sans trop savoir vers quelle spécialité m’orienter. Chaque terrain de stage a été intéressant, je suis passé par la cardiologie, les pathologies, la réanimation, etc. Mais je ne me voyais pas trop continuer dans ce type de spécialités, les organes me donnaient même un peu des bouffées d’angoisse (rires) !
En arrivant en psychiatrie, j’ai découvert des médecins que je trouvais différents, qui parlaient d’autre chose et qui avaient, comme moi, une vraie appétence pour la culture. Leur approche m’est apparue finalement très humaniste, à contre-courant des idées reçues sur la santé mentale. On a l’habitude de dire que les maladies mentales sont des maladies invisibles. Mais quand on va dans un hôpital psychiatrique, c’est tout l’inverse : il y a un vraie logique médicale de diagnostic, de traitement, d‘amélioration, qui m’a vraiment séduit. C’est la raison pour laquelle je me suis orienté dans cette voie. J’ai passé le concours de l’internat et j’ai obtenu mon premier choix : psychiatrie, à Paris.
Depuis quand vous intéressez-vous au lien entre culture et psychiatrie ?
De manière inconsciente, je m’y intéresse depuis toujours. C’est directement lié à ma passion pour la culture, notamment audiovisuelle. Quand j’ai vu le film Black Swan, par exemple, pendant mes études, j’ai réalisé que c’était une bonne manière de montrer la schizophrénie et de comprendre les symptômes à travers la personne qui vit la maladie. Un peu plus tard, quand je suis devenu chef de clinique à l’hôpital Saint-Antoine, je cherchais justement un moyen d’agir sur les représentations et les stéréotypes concernant la santé mentale.
En 2018, on m’a proposé de faire une conférence à la Fondation des États-Unis, à Paris. J’avais carte blanche et j’ai réfléchi à un format « Culture pop et psychiatrie » car il y avait plein d’actualités sur le sujet, liées à des personnalités (Mariah Carey, Britney Spears…) ou à des séries, comme 13 Reasons Why. L’événement s’est beaucoup répandu sur les réseaux sociaux : on avait plus de 5 000 personnes intéressées, alors qu’il y avait 150 places ! Je me suis dit qu’il y avait un intérêt pour le sujet et j’avais personnellement envie de creuser…
Deux ans après votre premier livre, vous publiez Addicts. Pouvez-vous nous en raconter la genèse ?
Pop & Psy a connu un certain succès et m’a encouragé à développer mon approche. Le livre contenait d’ailleurs un chapitre consacré aux addictions et je me suis rendu compte, en l’écrivant, que le sujet était très vaste et méritait plus d’espace. Le livre s’inscrit vraiment dans la continuité du premier et j’ai pu profiter des périodes de confinement et de couvre-feu pour avancer rapidement.
Dans Addicts, j’essaie de mettre en évidence que les addictions constituent une maladie, qui ne concerne pas tout le monde, mais le rapport aux substances et aux comportements addictifs est très largement partagé. Tout le monde ou presque a été confronté dans sa vie, directement ou indirectement, à un sujet d’addiction (tabac, alcool, drogues, jeux, etc.). En partant de ce constat, c’est encore plus facile d’utiliser la culture contemporaine, car elle parle aussi à tout le monde. Elle s’est d’ailleurs emparée du sujet, comme tout fait de société, de façon très dynamique, riche, ce qui justifiait l’idée d’en faire une matière première pour parler des addictions.
Comment vos travaux alimentent votre pratique ?
Initialement, Pop & Psy a été écrit pour le grand public, au-delà de mon activité médicale. Mais, évidemment, j’utilise aussi le sujet dans ma pratique, à plusieurs niveaux.
Par exemple, à l’hôpital Saint-Antoine, on a créé un groupe de psycho-éducation consacré aux personnes ayant un trouble bipolaire, dans lequel on utilise ce type de références. Concrètement, on regarde un film puis on le commente avec les patients. C’est intéressant car ils essayent de s’approprier certains symptômes, voire d’appréhender le film comme un outil de dé-stigmatisation permettant, par exemple, de s’en servir pour échanger avec leurs proches.
De façon plus individuelle, certains patients connaissent mon travail ou mon intérêt pour tel ou tel sujet. On peut parfois avoir une conversation culturelle ou une démarche de documentation de leur part.
En quoi votre approche contribue-t-elle aussi à changer le regard sur la discipline ?
Je ne pensais pas, à l’origine, que les professionnels auraient des choses à apprendre, sur la santé mentale, à travers Britney Spears, Happiness Therapy ou Euphoria. Mais j’ai été assez surpris des réactions positives et de l’intérêt exprimé par des psychiatres ou des soignants au sens large. D’ailleurs, c’est une proportion non négligeable du public de mes conférences. Je pense que cela leur permet de découvrir des films ou des séries qu’ils n’avaient pas forcément vus et qui parlent de leur métier.
L’autre grande surprise vient des retours de mes pairs, notamment des générations plus âgées, qui sont souvent très positifs. Ce ne sont pas des sujets qu’ils maitrisent d’emblée, mais ils s’intéressent à la démarche et à la nécessité de changer l’image sur la psychiatrie.
Concernant les internes et futurs médecins, on est davantage dans leurs codes et leur intérêt pour mon travail est très gratifiant. Au-delà de l’approche grand public, j’espère qu’il pourra servir à réveiller des vocations enfouies puisque c’est aussi une grande problématique de la psychiatrie, qui n’est plus très attractive aujourd’hui auprès des étudiants en médecine. Chaque année, on sait qu’il y a des postes non pourvus et que la spécialité n’est pas toujours bien choisie, ou parfois par défaut. Ce sont des choses que j’aimerais voir évoluer. Tant mieux si je peux y contribuer, à ma petite échelle, à travers mes conférences, livres, interventions médiatiques ou lorsque je suis invité sur des grands congrès médicaux.
Quels sont vos projets pour 2022 ?
J’en ai beaucoup… Je continue mes conférences au Mk2 et le Cinéclub, chaque mois, au Brady (Paris 10). En ce moment, on fait un cycle sur les addictions aux écrans, avec plusieurs films déjà programmés : Douleur et gloire, Bachelores, Oslo 31 août, Moonlight, etc.
Mon gros projet, c’est un festival sur la santé mentale, « Pop & Psy », qui aura lieu cet automne au Ground Control, à Paris, avec une programmation résolument éclectique et pluridisciplinaire pour intéresser tous les publics : prises de parole, ateliers, concerts, show-case, exposition, projections, rencontres, etc. On y travaille sérieusement avec Florence Trédez, journaliste chez ELLE et spécialiste de la pop culture, notamment dans la musique.
Si vous souhaitez visiter la page Instagram du Dr Blanc, n’hésitez pas à cliquer ici.