Interview de Lisa Sanchis auteure de la bande dessinée « La Route Du Bloc »


Dans sa première BD, La route du bloc – une vocation à l’épreuve du réel, Lisa Sanchis rend hommage à la vocation de son conjoint, chirurgien pédiatrique, tout en racontant les ressorts de son burn-out et de la souffrance à l’hôpital.


Lisa Sanchis, La route du bloc – une vocation à l’épreuve du réel, Éditions Delcourt, 2022

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

J’ai fait une école d’arts appliqués en graphisme et en direction artistique. Par la suite, j’ai travaillé essentiellement dans l’édition sur des projets de livres d’éveil destinés aux enfants puis, en tant que graphiste, chez un éditeur BD. Je me suis toujours intéressée à la bande dessinée, en gravitant autour, mais sans pour autant me lancer dans l’exercice. C’est au contact de mon conjoint chirurgien, en écoutant son histoire, que je me suis dit qu’il fallait la raconter et que la BD était le support pertinent étant donné que j’ai quelques compétences en dessin. 

Quel est le récit de La Route du Bloc, en quelques mots ?

La BD raconte le parcours d’un soignant, de sa vocation dès la petite enfance à devenir chirurgien jusqu’à l’exercice de son métier et son épisode de burn out. La narration représente toutes les étapes qu’il a connu pour réaliser son rêve mais aussi, en toile de fond, la situation de l’hôpital public. Je ne voulais pas seulement raconter la vie de mon conjoint, mais plutôt créer un personnage auquel tout le monde puisse s’identifier. Que la lectrice ou le lecteur, médecin ou non, puisse ainsi se mettre à la place d’un chirurgien pédiatrique, saisir ce rêve d’enfance, comprendre les satisfactions du quotidien comme les difficultés.

« La narration représente toutes les étapes que mon mari chirurgien a connu pour réaliser son rêve mais aussi, en toile de fond, la situation de l’hôpital public. »

Au-delà de l’idée, y a-t-il eu moment déclencheur qui vous a incité à vous lancer ?

Oui, le livre débute justement par cet événement déclencheur, lorsque mon conjoint en situation d’épuisement professionnel, s’était effondré au milieu d’un restaurant lors d’un voyage en Islande.  Je m’étais instantanément dit que cette situation n’était pas normale et qu’il fallait la raconter. Le projet en lui-même a pris à peu près 4 ans entre l’idée initiale et la parution du livre. Durant la première année, je l’ai interrogé pour qu’il me raconte son histoire en détail, en prenant des notes ou en l’enregistrant. Puis j’ai pris le temps de tout retranscrire, découper ses histoires, construire un récit pour en faire une BD.

© Éditions Delcourt, 2022 — Sanchis

Quel message avez-vous voulu faire passer en racontant le parcours de Benjamin, votre personnage principal ?

L’idée de base était vraiment de rendre hommage au personnel qui fait vivre l’hôpital public. Mon personnage principal est directement inspiré de mon conjoint, mais j’avais aussi envie de parler de l’ensemble du corps médical. Ce sont des personnes qui ont pour vocation d’aller vers les autres et qui le font, au final, dans des conditions très difficiles, qui peuvent même briser des vies, comme on peut le voir avec les nombreux suicides parmi des internes ou d’autres problématiques du genre. La santé mentale des soignants est un sujet qui me préoccupe. Cela étant, je ne voulais pas faire quelque chose de « plaintif », car j’avais aussi en tête de révéler, en images et dans le texte, la beauté du métier et de ces engagements. C’est ce que j’ai essayé de faire en racontant par exemple les opérations, de façon très détaillée, car l’activité au bloc est aussi très passionnante et stimulante intellectuellement.

Pourquoi être remontée aussi loin dans l’histoire de Benjamin pour expliquer les ressorts de son burn-out ?

Quand j’ai rencontré mon conjoint et qu’il m’a raconté qu’il voulait être chirurgien depuis l’âge de 3 ans, j’ai trouvé cela fascinant et pas banal. En burn-out à l’âge de 30 ans, j’ai réalisé, sans doute avec colère, ce que cette vocation précoce lui avait coûté.  Les études de médecine, l’apprentissage et l’exercice de la chirurgie impliquent de faire beaucoup de sacrifices, parfois jusqu’à sa propre santé. C’était vraiment important pour moi de partir de son enfance, raconter la naissance de cette vocation, combien elle lui était chevillée au corps, pour mettre ensuite en lumière toutes les problématiques auxquels il a été confronté.

En quoi le format BD peut-il être pertinent pour raconter l’hôpital et ses difficultés actuelles ?

Comme je vous l’expliquais, je viens de l’édition jeunesse et j’ai assez logiquement vu l’intérêt de l’illustration pour décrire les décors, les interactions et les schémas des opérations. La bande dessinée, qui est accessible à tous les publics, est un bon support pour exprimer des contenus parfois complexes ou un peu abstraits, comme ce qui a trait à la santé mentale. Je me suis toujours dit que le premier lecteur, c’était moi, or je ne viens pas du tout du milieu médical ! Quand j’interroge mon conjoint et que je retranscris, en récit, ce qu’il m’explique, il faut que ce soit limpide pour tous. Que tout le monde comprenne comme moi je le comprends. La BD est intéressante de ce point de vue car elle permet d’être à la fois didactique et dans l’émotion.

Les Lésions dangereuses : le premier roman graphique sur l’endométriose


Après une campagne de financement participatif à succès (près de 1 000 préventes en 6 semaines) et plus de deux années de travail, Les Lésions dangereuses sort enfin en librairie. Un roman graphique autant attendu que nécessaire…


Les Lésions dangereuses est une bande dessinée documentaire restituant une enquête à 360 degrés sur l’endométriose, initiée en 2019 par la journaliste Camille Grange et mise en images par l’illustratrice Mathilde Manka.

Pour réaliser ce livre, Camille Grange est partie à la rencontre de nombreuses personnes concernées par la maladie. Professionnels de santé, chercheurs, autorités, associations, entreprises pharmaceutiques, patientes. Après de longs mois d’investigation, elle dresse un état des lieux sans concession. Son objectif : mettre de lumière cette maladie. En effet, cette dernière peine à sortir de l’ombre et sa prise en charge reste largement déficiente.

Maladie chronique, potentiellement invalidante, l’endométriose toucherait en France au moins une femme sur dix.

Les Lésions dangereuses aborde tous les liens avec cette maladie, retranscrits visuellement par les crayons de Mathilde Manka. A savoir origine, diagnostic(s), impact psycho-social. Mais aussi recherches en France et à l’étranger, traitements, formation (ou absence de formation), actions des professionnels de santé, troubles de la fertilité et politique publique.

Cette bande dessinée, financée grâce à une campagne de crowdfunding dont une partie des fonds a été reversée à l’INSERM, s’adresse à toutes et à tous. Ainsi, elle vise à ce que l’endométriose soit mieux connue et comprise, tout en réduisant l’anxiété et le sentiment d’errance qu’elle peut susciter pour ses victimes.

Aux Editions Flush et en librairies le 7 avril

Plus d’infos ici.

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Santé BD – la santé dessinée


Santé BD propose des fiches pédagogiques illustrées, destinées aux soignants et aux patients, pour mieux communiquer sur la santé et les soins.


SanteBD.org est un site Internet qui propose une soixantaine de bandes dessinées personnalisées pour préparer les actes médicaux.

Les fiches sont gratuites, accessibles à tous et avec des dessins clairs et rassurants. Elles contiennent également des textes courts, faciles à comprendre et des contenus personnalisables en fonction du profil de chaque patient.

Santé BD constitue ainsi une boîte à outils pédagogique pour comprendre et expliquer la santé avec des images et des mots simples. 

Les fiches santé sont déclinées par spécialités médicales ou par actes de soin. Dentiste, ophtalmologue, gynécologue, généraliste, scanner/IRM/radiologie, urgence/hôpital, parcours de soins, maladies, examens médicaux, cancer, douleur/handicap, sexualité/contraception, addictions.

Ces outils peuvent être utilisés par tous. Autant par les patients pour comprendre et communiquer sur la santé, en particulier auprès du jeune public, que des personnes en situation de handicap ou avec des difficultés linguistiques. Mais également par les parents et les aidants afin de les rassurer avant une consultation et par les professionnels de santé lors des actes médicaux.

SantéBD a été créée par l’association CoActis Santé qui coordonne des projets collaboratifs dans le secteur médical afin de rendre la santé accessible à tous. Sa démarche se matérialise à travers deux outils : SantéBD et HandiConnect.fr.

Les outils BD sont élaborés en s’appuyant sur une méthodologie spécifique qui respecte les principes de la Communication Alternative Améliorée (CAA) et du Facile à Lire et à Comprendre (FALC).

Les ressources SantéBD sont également disponibles sur l’application mobile dédiée, ainsi que sur la chaine Youtube éponyme. Une banque d’images met également à disposition plus de 10 000 dessins « libres de droit », utilisables par tous. De nouvelles fiches sont régulièrement mises en ligne pour enrichir la bibliothèque…

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