
Avec HomeDoc, un jeune cardiologue favorise le logement et la mobilité des internes
Confronté à la problématique du logement durant sa formation en cardiologie, Dr Olivier Dosseh a créé une plateforme pour mettre en relation les internes et les propriétaires. Le jeune médecin y consacre aujourd’hui une large partie de son temps, à côté de son début de carrière à temps partiel dans une clinique de Rouen.


Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site d’HomeDoc.
Quel est votre parcours et pourquoi avoir lancé cette plateforme ?
J’ai fini mon internat en cardiologie en 2024 et c’est à cette période que j’ai eu l’idée de créer cette plateforme. Son objectif est de faciliter l’accès au logement des internes en les mettant simplement en relation avec des propriétaires, qu’ils soient médecins ou non. La problématique du logement chez les internes, je l’ai rencontrée personnellement et aussi autour de moi, de façon très répétée.
Schématiquement, il y a trois moments où un interne est potentiellement confronté à une problématique de logement.
D’abord, à l’issue de la sixième année de médecine où beaucoup de nouveaux internes changent de ville. Moi, par exemple, j’étais à Paris et j’ai déménagé à Rouen pour faire cardiologie ; j’avais aussi la possibilité d’aller à Tours mais c’est une ville où les hôpitaux sont assez loin du centre… Ensuite, au cours du cursus d’interne, qui dure de 4 à 6 ans, il y a un stage en périphérie obligatoire : c’est le deuxième temps problématique, car on doit faire des allers-retours, ce qui est compliqué vu le rythme, ou vivre à l’internat, mais avec des conditions souvent vétustes et des places limitées. Enfin, il y a la période des stages de 6 mois que les internes doivent exercer dans des centres de référence hors de leur subdivision. Ce sont donc les trois moments où les internes sont susceptibles de déménager, mais
comme le temps passé à l’hôpital est très volumineux (59 heures par semaine, en moyenne, selon la dernière enquête de l’ISNI!), ils peuvent seulement chercher durant leur repos de garde, sans compter que le marché locatif est très tendu, particulièrement à Paris et dans les grandes métropoles.
En m’intéressant aussi, de plus près, au sujet, je me suis aperçu que beaucoup d’internes utilisaient les réseaux sociaux pour s’échanger des annonces de logement. Il y a plus de 40 groupes dédiés, rien que sur Facebook, mais ce n’est pas très optimal, car tout est publié sur le fil d’actualité, ce qui fait qu’on ne sait jamais si l’offre est encore disponible…
Comment avez-vous démarré le projet ?
Je l’ai lancé seul, accompagné par un incubateur, Pépite Normandie, qui m’a mis en relation avec trois mentors, dont un partenaire pour le développement web. On a cherché à créer une plateforme qui soit vraiment au plus proche des besoins des internes. La méthodologie, avec ce prestataire technique, ne consistait donc pas à définir un cahier des charges clé-en-main, mais plutôt à développer l’outil de façon progressive en fonction des retours des premiers utilisateurs.
Comment l’avez-vous financé ?
Le poste le plus important repose, logiquement, sur l’accompagnement technique que j’ai pu financer grâce à deux subventions locales, une bourse « French Tech » via l’accélérateur Village by CA, et un prêt d’honneur que j’ai contracté à titre personnel. Je me suis donc endetté pour démarrer le projet en essayant aussi de faire tout ce que je pouvais gérer par moi-même afin de limiter les coûts extérieurs.
Quand avez-vous lancé la plateforme ?
J’ai donc eu l’idée à l’été 2024. Ensuite, j’ai intégré le dispositif « Pépite Normandie » jusqu’en janvier 2025, qui est un autre programme d’accompagnement intensif permettant de rencontrer, chaque jour, un expert de l’entrepreneuriat, dans tous les domaines. Puis j’ai été accéléré au Village by CA avant de pouvoir pré-lancer le site, en février dernier.
Comment ça fonctionne ?
C’est très simple. Pour s’inscrire, en tant qu’interne, il faut rentrer son numéro RPPS, qui génère le nom et le prénom de l’utilisateur.trice, avant une vérification automatique à l’aide d’une pièce d’identité. Pour les propriétaires, le dépôt d’annonce est aussi très rapide, en quelques étapes simples, avec la possibilité de publier une visite vidéo du logement.
Les internes peuvent alors rechercher par ville ou par critères, en plus d’un système de notification qui les informent, automatiquement, de nouvelles annonces correspondant à leurs besoins. A partir de là, ils peuvent aller voir les annonces et candidater. La plateforme permet d’utiliser le service « Dossier Facile » (qui certifie les documents de façon sécurisée) et des systèmes de garanties digitales, comme SmartGarant ou Garant.me, pour rassurer les propriétaires. Après, on est sur un public d’internes qui ne pose en principe pas de soucis et sont, à l’inverse, plutôt recherchés avec des revenus garantis par l’Etat.
Une fois que l’interne a déposé sa candidature, elle est à l’étude côté propriétaire, qui peut l’accepter ou la refuser. Les candidatures sont volontairement anonymisées, c’est-à-dire que les propriétaires voient juste le type de bail recherché, l’année et la spécialité, les revenus déclarés et les garanties du candidat.
Les candidats sont notifiés dès qu’une demande est acceptée. Ensuite, c’est le principe du « premier arrivé, premier servi » qui s’applique, dès que l’interne intéressé valide en réglant les frais de mise en relation.
C’est l’interne qui paie ?
Oui, pour l’instant, car nous avons intérêt aujourd’hui à attirer d’abord les propriétaires pour avoir des offres sur tout le territoire. Dans le système immobilier « classique », les agences facturent des frais aux deux parties, mais nous sommes dans une configuration de lancement et sur des tarifs raisonnables, adaptés à leurs moyens.
Et que se passe-t-il quand la réservation est validée ?
Aujourd’hui, HOMEDOC intervient uniquement sur le processus de mise en relation, jusqu’à la validation des deux côtés, à partir de laquelle la plateforme donne les coordonnées pour que le locataire et le propriétaire puissent entreprendre les démarches concrètes de location. Finalement, c’est un peu comme Airbnb où, avant de réserver un logement, on ne rencontre pas la personne !
Nous ne sommes pas une agence immobilière, car cela est très réglementé ; en revanche nous offrons beaucoup d’infos et de ressources pour faciliter les étapes suivantes, comme un système de bail pré-rempli ou nos propres conditions d’utilisation qui stipulent, par exemple, que le propriétaire s’engage à louer le logement à l’interne qu’il a accepté sur HomeDoc.
Le développement du service se base aussi sur la confiance, le bon sens et le suivi que nous faisons au quotidien… Cela est d’autant plus facile que nous travaillons avec une communauté qui est fiable et souvent « confraternelle », notamment dans le cas de propriétaires médecins.
Comment la plateforme a-t-elle été accueillie ?
Je pense qu’on a déjà prouvé qu’elle répondait à un réel besoin car on a plus de 3 700 personnes qui s’y sont inscrites depuis mi-février. A l’heure où on se parle (début septembre), il y a 340 annonces actives et une centaine de nouvelles inscriptions chaque semaine. L’enjeu pour nous est vraiment de développer l’offre de logements pour répondre aux besoins sur l’ensemble du territoire. Dans la communication, je mets beaucoup en avant l’impact social du service car le logement des internes (et même, plus généralement, des médecins) est vraiment au cœur des problématiques de santé actuelles, par exemple sur le sujet des déserts médicaux ou des opportunités de mobilité professionnelle à accompagner.
Favoriser la mobilité des internes, c’est déterminant car ça peut aussi les inciter à découvrir d’autres territoires en levant certains freins, comme celui de la recherche de logement…
Rédacteur : Gabriel Viry, Directeur de l’agence KIBLIND