Reportage à la ferme du Vinatier à Lyon



A Bron, près de Lyon, l’hôpital psychiatrique du Vinatier accueille une ferme d’un nouveau genre. Celle-ci est devenue, en vingt-cinq ans, un lieu culturel référent. Reportage.


LE CENTRE HOSPITALIER DU VINATIER

Le soleil d’automne est une parenthèse idéale pour découvrir le Centre Hospitalier du Vinatier et ses soixante-douze hectares de verdure rougissante. Il se trouve à la lisière de Lyon et des principaux pôles médicaux de l’agglomération.

Avec plus de 3 000 agents et 25 000 patients chaque année, c’est l’une des plus grandes structures de soins psychiatriques en France. C’est une vraie petite ville bordée de nature. Au cœur de celle-ci, son ancienne ferme s’est faite un nom autour d’un projet culturel innovant.

LA FERME

La Ferme, c’est d’abord une histoire, à l’image de sa maison-mère. Comme une sorte de mémoire vive connectée à son patrimoine immédiat et, plus largement, à l’évolution séculaire de la psychiatrie.

« Nous sommes dans un ancien bâtiment agricole », explique Morgane Dellaca-Minot, chargée des projets artistiques et des expositions. C’était une époque où les « asiles » grandissaient à la campagne dans une logique de mise à l’écart. Cette dernière était aussi présumée bénéfique pour les malades. « Il y avait des vaches, jusque dans les années cinquante et un ensemble de cultures qui visait à l’autonomie alimentaire de l’hôpital ».

Un siècle est passé. La ville s’est inscrite dans le paysage. Au tournant du millénaire, le dessein de la Ferme s’est écrit sur une nouvelle page blanche, témoin d’une autre histoire. Cette dernière consistant à décloisonner l’hôpital psychiatrique et à atténuer sa distance, au sens propre comme au sens figuré. « Le projet a été lancé en 1997, dans le sillage du programme national Culture & Santé, visant à favoriser les activités de création et de diffusion artistique au cœur des hôpitaux ». Il s’est matérialisé par des premières expositions, organisées dans la Chapelle. Cette Chapelle est un des totems patrimoniaux du Vinatier, qui porte aussi plusieurs de ses empreintes initiales. C’est le cas de quatre superbes portes-vitrail imaginées par un tandem créatif, l’architecte Jean-Louis Bouchard et le sculpteur Vincent Girard.

Ainsi a démarré l’aventure de La Ferme avant d’investir progressivement l’ancienne grange spacieuse. Cette dernière a été entièrement transformée en établissement culturel digne de ce nom.

Morgane Dellaca-Minot, une des quatre collaboratrices de l’équipe permanente, assure la visite. On traverse la salle de spectacles, l’espace d’expositions, qui sent bon la peinture fraîche avant le prochain accrochage. Puis l’étage supérieur réservé aux bureaux, aux archives et à « l’artothèque ». Un fonds de 800 œuvres constitué par l’établissement (tirages photos, gravures, dessins, etc.), illustrant les différentes facettes de son projet : patrimonial, scientifique, culturel et artistique. « Les œuvres sont conservées ici et peuvent être prêtées, au-delà de notre programmation, pour d’autres expositions ».

LA CULTURE ET L’ART POUR CHANGER LE REGARD

UNE PROGRAMMATION DENSE

Après deux saisons largement perturbées par la crise sanitaire, la Ferme du Vinatier semble reprendre son rythme de croisière avec une programmation dense et résolument éclectique. Qu’il s’agisse des formats (expositions, rencontres, ateliers participatifs, etc.) ou des genres artistiques (musique, spectacle vivant, cinéma, arts plastiques et visuels, etc).

« Nous sommes ouverts à tout , tant que les propositions ont un lien avec le Vinatier ou la santé mentale, et qu’elles intègrent le(s) public(s), conformément au programme de Culture & Santé. » Cinq expositions sont programmées sur la saison 2021-2022. En font partie celle de l’atelier de peinture de l’hôpital, de la photographe Nach (sur le krump. Ou encore de la plasticienne Alice Calm, au printemps. Cette dernière a prévu d’associer le public à des créations in situ.

« Ponctuellement, nous avons des expositions plus longues, sur des sujets plus transversaux. Tel fut par exemple le cas de Sens dessus dessous, en 2015. Cette exposition portait sur la représentation des vêtements des soignants et des patients dans l’univers psychiatrique. »

Au-delà des expositions, dont certaines restent accessibles en ligne au format virtuel, La Ferme du Vinatier est aussi un lieu d’expression et de création vivante. Elle associe les artistes et les différents usagers de l’hôpital. « Les ateliers théâtre permettent par exemple à chaque participant de trouver sa place selon ce qu’il souhaite : être sur scène, travailler sur la scénographie, participer à l’écriture… »

UNE DEMARCHE PLURIDISCIPLINAIRE, PARTICIPATIVE ET GRAND PUBLIC

Chaque saison, l’établissement propose également deux temps forts, « Noël au balcon » et « Au cœur de tes oreilles » en juin. Ces temps forts illustrent sa démarche pluridisciplinaire, participative et grand public.

Siestes sonores, déambulations ludiques dans le parc, mini-concerts à la cafétéria de l’hôpital, spectacles jeunesse, créations et restitutions des projets artistiques accueillis lors des mois précédents.

La Ferme revendique ainsi un projet global, ouvert sur l’extérieur, à l’image des nombreuses activités proposées tout au long de l’année, dans le cadre de partenariats locaux (Centre de Formation des Musiciens Intervenants, Fête du Livre de Bron, Festival Karavel de danse hip-hop) ou d’événements nationaux. C’est le cas des Journées du Patrimoine ou la Fête de la Science.

L’ACCOMPAGNEMENT DE PROJETS CULTURELS

L’équipe de La Ferme propose enfin son expertise dans l’accompagnement de projets culturels portés par des équipes soignantes, au sein de l’hôpital ou dans des structures associées. C’est l’objet de son dispositif « Éclats d’art », qui est une autre application locale du programme Culture & Santé. Concrètement, 4 à 6 projets créatifs sont soutenus chaque année par l’établissement, sur le plan technique et financier. Leur but est d’améliorer l’environnement des usagers, mais aussi de changer le regard sur les maladies mentales et l’univers psychiatrique.

Faire pousser, cultiver, évader, créer des parenthèses et des traits d’union. La Ferme du Vinatier a les pieds bien sur terre et la tête, souvent, dans les étoiles…

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